Le duc de BLACAS

Duc de Blacas, fidèle du comte de Chambord  Duc de Blacas, fidèle du comte de Chambord
(Collection particulière)

Fidèle dévoué de Charles X, c’est Jean-Casimir, d’Aulps qui en 1839, a acheté, personellement, l’ensemble du château et des terres de Frohsdorf et Pitten pour la somme de 175 000 florins. Ce domaine deviendra rapidement une véritable « capitale d’exil » de France.

(Nous reproduisons ici, avec l’aimable autorisation de son auteur, président de l’Académie de Vaucluse, des extraits de l’article d’Alain Maureau paru dans le Bulletin de l’Académie de Vaucluse, n° 347 de février 2005, intitulé Un Avignonnais enterré à la Castagnavizza, le Saint-Denis de l’exil.)

« On aménagea même dans le couloir qui conduit à la crypte [ de la Castagnavizza ] une niche pour que le fidèle d’entre les fidèles, qui suivait la fortune du comte de Provence depuis les tristes jours de Blankenfeld et d’Hartwell, puisse reposer aux côtés de ses maîtres. Insigne et extraordinaire faveur ainsi accordée au duc de . […]

« Si nous ouvrons la classique Nouvelle biographie universelle de Firmin Didot, nous lisons que le personnage aurait ouvert les yeux à Aups dans le Var en 1770. Pour le vicomte Révérend, l’auteur savant et généralement bien informé de Titres, anoblissements et pairies de la Restauration, il a ouvert les yeux non loin de là à Vérignon, le 10 janvier 1771, ce que malheureusement répète le Dictionnaire de biographie française. Le Grand Larousse universel du XIXe siècle, prudent, ne se prononce pas. L’érudit dracénois Honoré, dans son épais volume Les émigrés du Var, reproduit des affirmations aussi légères. La réalité est tout autre. En effet, si cette illustre maison de Provence, dont la filiation est établie depuis un Pierre d’Aups, citée dès 1096 lors de la première croisade, possède encore au XVIIIeme siècle fiefs et châteaux à Vérignon, Fabrègues, Tourtour, Aups, Pierre-Louis-Jean-Casimir de BLACAS d’Aups ne naquit pas sur une des terres de ses ancêtres, mais à Avignon le 10 janvier 1771. Le lendemain, le curé de la collégiale Saint-Symphorien procédait à son baptême. Pourquoi cette venue au monde au bord du Rhône ? La réponse se trouve à la date du 22 février 1764 dans le registre de mariages de cette même paroisse quand Alexandre-Pierre-Joseph de BLACAS d’Aups, capitaine aux Gardes françaises, chevalier de Saint-Louis, épousait Marie-Louise-Françoise des Rollands, fille du marquis de Reilhanette, ancien brigadier des armées du roi, et d’Anne-Marie de BLANC de BRANTES. Le couple se fixa dans l’hôtel particulier que possédait la famille des Rollands, au 7 de la rue du Four, situé entre celui des Galéans et le bâtiment du Bureau de bienfaisance auquel d’ailleurs il fut réuni au cours du XIXème siècle. Personne jusqu’ici n’avait signalé cet édifice comme le berceau d’un enfant appelé à une haute destinée, sauf le remarquable fouilleur d’archives qu’était Adrien Marcel. […]

« A cette époque [4 ventôse an II], Pierre-Louis-Jean-Casimir avait déjà pris son envol. Sous-lieutenant au régiment de Noailles-dragons, il franchit le Var dès 1790 et se retrouve à Nice en compagnie de nombreux Provençaux et Comtadins, réfugiés dans les états du roi de Sardaigne et qui avec quelque naïveté attendent pour très bientôt des jours meilleurs. De vingt-cinq ans, il ne reverra pas sa patrie. Il rejoint l’armée des Princes sur le Rhin, puis parcourt l’Italie avant d’entrer au service de la Russie et combattre la République en Suisse sous Souvarof. Un temps à la solde de l’Autriche, il accepte de rejoindre à Varsovie le comte de Provence qui l’utilise comme son représentant à Saint-Pétersbourg. Malgré son intimité avec Joseph de Maistre qui l’appuie auprès du tsar, il n’obtient pour Louis XVIII que des avantages assez minces. Son dévouement à toute épreuve lui attire néanmoins l’estime de ce dernier qui, à la mort du comte d’Avaray, l’élève au rang de confident intime. Il règne dès lors sans partage sur la petite cour d’Hartwell. La première Restauration pousse au sommet ce représentant d’une famille d’ancienne noblesse certes, mais qui n’a jamais été présentée à Versailles. Ministre de la maison du roi, grand-maître de la garde-robe, intendant général des bâtiments de la couronne, il s’érige en chef officieux du gouvernement. Mais, inexpérimenté, il accumule les erreurs, si bien que les Chambres, à la nouvelle du retour de Napoléon, demandent son renvoi. Bouc émissaire des faux-pas de 1814, il ne bénéficie plus à la seconde Restauration de la bienveillance royale réservée maintenant à Decazes et doit se contenter d’une ambassade à Naples, puis à Rome. Toutefois, Charles X l’élève à la dignité de duc et pair et l’envoie représenter la France au congrès de Laybach. BLACAS suit son souverain sur les routes de l’exil et veille sur les premières années du comte de Chambord. A sa mort à Vienne – et non à Prague comme on ne cesse de le répéter fautivement – le 17 novembre 1839, il obtient comme ultime marque de faveur de reposer au pied de son roi à la Castagnavizza.

« Les historiens napoléoniens se sont montrés sévères à l’égard de BLACAS qu’ils présentent comme un parfait médiocre professant un profond dédain pour l’empereur, au point de considérer le débarquement de Golfe-Juan comme un événement insignifiant, pas même digne d’être rapporté à Louis XVIII assis sur un trône inébranlable. Il est vrai aussi que son conseil en 1815 de ne pas s’enfuir en Belgique, mais de s’enfermer dans la place de Lille et y soutenir un siège, ne plaide guère en faveur de sa perspicacité. De même sa raideur, son aspect glacial, ses manières lointaines fournissent les éléments d’un portrait peu engageant. […]

« Notre Avignonnais valait pourtant mieux […]. Habile diplomate, doué de tact, d’un naturel optimiste, d’une probité absolue, il a surtout été desservi par ses amis. S’il est encore une qualité qu’on ne peut lui dénier, c’est son goût très sûr pour l’art. Protecteur d’Ingres et de Champollion, il s’intéresse surtout à l’archéologie et réunit une remarquable collection de médailles, de vases grecs, de pierres gravées, de bijoux antiques, aujourd’hui au British Museum. Sa publication sur les Vases étrusques de Panofka lui ouvre les portes de l’Institut. Ses amis, souhaitant honorer l’homme et l’érudit, commandèrent au graveur Borrel une médaille rappelant son souvenir. Celle-ci, de 41 mm. de diamêtre, en bronze, reproduit à l’avers sa tête à gauche avec les dates et lieux exacts – pour une fois – de sa naissance et de son décès : Avignon 1771, Vienne 1839. Au revers, entre une palme et une branche de cyprès, on lit sur six lignes dans le champ :  » Hommage des amis de M. le duc de BLACAS. A sa mémoire. Paris, 1841 « . Ainsi les auteurs d’ouvrages biographiques eussent été bien inspirés de se reporter à ce simple témoignage numismatique qui leur aurait évité de perpétuer des inexactitudes. »