(Nous reproduisons ici un extrait des mémoires de M. le Chanoine Cadic, mais il paraît que des témoignages contradictoires existent : n’hésitez pas à nous contacter si vous avez une autre source à nous proposer.)
« Mercredi 29 septembre 1897.
Fête de St-Michel. Réunion des « Blancs d’Espagne » ou partisans de don Carlos. La messe est dite pour eux à 11 H.1 On a sonné pour la messe une des cloches d’en haut…
Autrefois la fête de St Michel était une des plus grandes du pèlerinage. C’était la clôture du pardon et les pèlerins accourraient de tous côtés, Cependant lorsque Henri V devint candidat au trône, les royalistes de l’Ouest prirent l’habitude de venir prier pour lui à Ste Anne, le jour anniversaire de sa naissance, 29 septembre. Ils demandèrent que la messe fut dite pour lui à 11 H et cette messe était suivie d’une réunion qui se tint d’abord dans les remises de Mme Boché, puis dans les remises du Lion d’Or.
Bientôt tous les royalistes se donnèrent rendez-vous à Ste Anne, le 29 septembre, et la fête devint purement royaliste… Comme on tenait à garder cependant l’ancienne fête de la St Michel, on essaya d’organiser un anniversaire du couronnement le 30 septembre. Cela réussit une fois ou deux, et puis tomba aussi. On garda cependant jusque vers 1883 ou 1884 les vêpres du 30 septembre, et elles étaient suivies de la procession à la colonne du couronnement. Mais dans les dernières années, il n’y avait presque personnes à la fête, et il fallut la supprimer…
La fête royaliste cependant prenait de plus en plus d’extension, surtout vers 1875, 1876, etc…
Sainte Geneviève et Du Guesclin
Une année, plusieurs royalistes furent condamnés, sous prétexte que le local étant insuffisant, la réunion s’était tenue en plein air… Les royalistes firent alors élever dans la prairie du Lion d’Or une grande maison en planches où il fut possible les années suivantes de tenir des réunions très nombreuses
Cependant Henri V mourut. Les royalistes n’ayant plus de candidat n’avaient plus de raison de se grouper à Ste Anne, du moins le 29 septembre. Mais comme la fête du 29 était devenue royaliste, quand les partisans de Henri V cessèrent de venir, la fête tomba complètement.
La baraque en planches fut donnée au Petit Séminaire qui la fit démolir et utilisa les matériaux. En l’honneur de Henri V les royalistes élevèrent par souscription un monument en face de la basilique.
Pour élever ce monument le comité royaliste choisit un terrain en face de l’église, le terrain occupé actuellement par la colonne. Quand Monsieur Névo Père eut vent de la chose, et avant qu’aucune proposition eut été faite au propriétaire du champ il acheta le terrain et proposa au comité de le lui céder moyennant un bénéfice considérable. Le comité refusa avec indignation et songea à un autre terrain sur la route de la gare. La chose s’ébruita et tous les royalistes qui descendaient jusque là au Lion d’Or. désertèrent cet hôtel. M. Névo voyant sa meilleure clientèle lui échapper, comprit qu’il avait fait une fausse manœuvre et proposa au comité de lui laisser le terrain au prix coûtant. L’arrangement fut fait sur ces bases.
Le comité se mit ensuite à l’œuvre. On avait d’abord des projets grandioses. Mais quand le roi fut mort, on l’oublia bien vite, et les belles sommes promises dans le premier mouvement d’enthousiasme, n’arrivèrent pas. Il fallut restreindre le projet.
On fit d’abord faire les cinq statues par un artiste de Nantes. Elles coûtèrent fort cher, 70 000 francs dit-on. Puis on songea au monument. Un architecte de second ordre donna un plan. Comme ce plan ne paraissait pas des mieux réussis, on le fit exécuter d’abord en bois et mortier. L’exécution ne satisfit pas le comité qui chargea M. Deperthes, architecte de la basilique, de préparer un nouveau plan. M. Deperthes, après avoir fait observer que des statues doivent être faites pour un monument et non pas un monument pour des statues, donna le plan qui fut exécuté ensuite par Monsieur Kergoustin.
Mais les finances étaient à court, et on eut mille peines à faire le mur et la grille de clôture du monument, et à la fin de 1897 le jardin est encore à faire. Cependant les partisans de don Carlos voulurent reprendre la tradition des royalistes, sous prétexte que le prince espagnol était le seul héritier de Henri V. La première fois, ils n’étaient pas bien nombreux : seulement quelques fermiers de Mme d’Anglade de Brandivy et de Mme de Noday de Josselin. Ces pauvres fermiers ne connaissaient guère don Carlos et ne s’en occupaient guère ; mais du moment qu’ils s’agissait de faire un pèlerinage à Ste Anne, ils venaient volontiers.
La première fois, on leur refusa une messe parce qu’ils voulaient faire une manifestation politique. Mais on comprit bien vite que ces royalistes n’étaient guère dangereux, et, les années suivantes, on n’hésita pas à leur accorder la messe.
Note 1 : Ils sont plus nombreux qu’ils n’ont jamais été, et d’aucuns portent leur nombre à 500. Ce chiffre est sans doute exagéré, mais il y a bien 300 cependant.»
En complément de notre chapitre consacré au Mémorial du comte de Chambord, il nous semble utile de rappeler ici les statuts de la société civile dite société de Saint-Henri, créée le 20 février 1889 et qui présida à l’érection, par souscription, de ce monument et qui sont publiés par Luigi Bader dans son excellent ouvrage : Le comte de Chambord et les siens en exil, Paris, s.d., pages 170-172.
« Par devant Me Jules Mathieu Marie Le Bayon et son confrères, notaire à la résidence d’Auray, canton de ce nom, arrondissement de Lorient, département du Morbihan, soussignés, ont comparu 1e Monsieur le Général Baron Athanase de Charrette, propriétaire, demeurant à La Basse-Motte (Ille-et-Vilaine) ; 2e Monsieur le Comte Jean Gabriel de Lambilly, propriétaire, demeurant au château de Lambilly, en la commune de Taupont (Morbihan), agissant en son nom personnel et comme mandataire de 1e Monsieur le Duc Sosthène de La Rochefoucauld, propriétaire, demeurant à Paris, rue de Varenne numéro 47, 2eMonsieur le Comte Louis Marie Alexandre de Monti de Rezé, propriétaire, demeurant au château de La Bretonnière (Loire-Inférieure), 3e Monsieur le Comte Albert de Mun, propriétaire, demeurant à Paris, rue François-Ier numéro 38, et 4e Monsieur le Comte Paul Henri Lanjuinais, propriétaire, demeurant à Paris, rue Cambon numéro 31, aux fins de procuration sous signatures privées en date des seize, dix-sept, dix-neuf décembre 1888, et dont les brevets seront enregistrés en même temps que les présentes et y demeureront annexés ; 3e Monsieur Joseph Martin d’Auray, propriétaire, demeurant à Auray (Morbihan)
« Lesquels, aux qualités qu’ils agissent, ont arrêté, de la manière suivante, les statuts de la Société civile qu’ils se proposent de fonder.
« Article premier : Fondation de la Société :
« Il est formé entre Messieurs 1e le Comte de Lambilly, 2e le Duc Sosthène de La Rochefoucauld, 3e le Comte de Monti de Rezé, 4e le Comte de Mun, 5e le Comte Lanjuinais, 6e Monsieur Joseph Martin d’Auray et 7e le Général Baron de Charrette, sus nommés et qualifiés et ceux qui deviendront successivement cessionnaires de leurs droits une société civile particulière ayant pour but l’érection et l’entretien d’un monument commémoratif de Monsieur le Comte de Chambord, et l’exploitation des terrains composant le Domaine appelé le Château, situé au lieu de Sainte-Anne, en la commune de Pluneret, canton d’Auray (Morbihan) et figurant au plan cadastral de la commune de Pluneret sous les numéros 494, 495, 496, 497, 498, 499, 500, 500bis et 501 de la section A pour une contenance de trois hectares, cinq ares et trente-et-un centiares, d’une valeur actuelle de quarante mille francs, et généralement faire tout ce que comporte le but de la Société à l’exclusion de tous actes de commerce qui lui sont expressément interdits.
« La Société sera régie par les dispositions du titre XI du livre III du Code civil, sauf les modifications résultant des précédents statuts.
« Les sociétaires entendent constituer, par ces présentes, l’être juridique « société » consacré implicitement par les articles 529 et 1860 du Code civil.
« Article deuxième :
« La Société aura pour dénomination « Société de Saint-Henri ».
« Article troisième :
« Elle aura une durée de quatre-vingt-dix-neuf-ans.
« La Société ne pourra se dissoudre avant cette date qu’en vertu d’une délibération prise par l’assemblée générale à l’unanimité des membres présents, représentant les trois-quarts des mises sociales.
« Article quatrième :
« Le siège social est fixé au château de Lambilly, commune de Taupont, canton et arrondissement de Ploërmel, département du Morbihan, et pourra être transporté ailleurs par décision du conseil d’administration.
« Article cinquième :
« Le fonds social, comprenant uniquement le domaine dit Le Château, ci dessus désigné, est situé à Sainte-Anne, commune de Pluneret, est fixé, quant à présent, à la somme de quatorze mille francs, et divisé en sept parts d’intérêts, ayant un capital nominal de deux mille francs chacune, une part d’intérêts est attribuée à chacun des fondateurs, Monsieur le Général Baron de Charrette reconnaissant que ses co-associés lui ont versé dès avant ce jour la somme de douze mille francs, représentant les six-septièmes de l’apport social.
Ancienne carte postale du monument
« L’apport social pourra être augmenté en une ou plusieurs fois par de nouvelles émissions de parts. Ces augmentations seront décidées par délibération de l’assemblée générale. Le montant des parts est payable aux époques déterminées.
« Les titres seront extraits d’un registre à souche portant un numéro d’ordre et seront revêtus de la signature de l’Administrateur ».
Luigi Bader ne cite pas la cote d’archives de ce document, vraisemblablement conservé toujours dans les minutes du successeur actuel de ce notaire ou versé aux Archives départementales du Morbihan.
Il précise également que les réunions du 29 septembre étaient publiées chaque année dans Avant-Garde de l’Ouest, journal des Blancs d’Espagne qui parut jusqu’en 1901. Après la Première Guerre mondiale, l’Action Française organisa à nouveau des réunions, mais un peu plus loin, au lieu-dit Le Champs des Martyrs, assemblées qui réunissaient jusqu’à huit mille personnes et qui furent interdites en 1928 par l’autorité ecclésiastique à la suite d’un discours de l’amiral Schwerrer. En 1950, un petit groupe de jeunes, La Mesnie essaya, sans grand succès, de renouer la tradition. Depuis 1983, sous l’égide de l’Union des cercles légitimistes de France, le pèlerinage traditionnel à Sainte-Anne-d’Auray a de nouveau lieu tous les ans, avec des dépôts de gerbe et des veillées devant le monument du comte de Chambord.
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