C’est du 9 au 20 novembre 1873 qu’a lieu le dernier séjour de Monseigneur en France, soit deux ans après le discours du drapeau blanc. La république, votée par défaut par une assemblée aux deux tiers royaliste, semble peiner alors à voir clair dans la suite qu’elle souhaite se donner.
C’est à la suite de la très officielle réconciliation publique entre les Orléans et le comte de Chambord que celui-ci arrive incognito à Versailles le 9 novembre 1873. Il s’installe dans une maison de la rue Saint-Louis appartenant à Vanssay, avec ses plus proches fidèles (Blacas, Monti, Chevigné et Charlemagne : son vieux serviteur), où il occupe un pavillon situé dans le jardin, tandis que son hôte continue de recevoir dans la maison principale, pour donner le change. Cette maison, que l’on peut encore voir aujourd’hui, est située non loin de la cathédrale, et c’est au cours de ce séjour que va se dérouler ce qui est sans doute la dernière véritable occasion d’une restauration monarchique de notre Histoire.
Refusant d’être redevable de quoi que ce soit envers une assemblée, c’est avec le président Mac-Mahon qu’il veut traiter, comptant sur le soutien de l‘épouse de celui-ci, Elisabeth de Castries : une légitimiste de toujours. Mais Mac-Mahon, par l’intermédiaire de Blacas qui joue l’émissaire, refuse d’aller le rencontrer, même en catimini. Il interdit même à son épouse toute démarche, et fait savoir qu’il n’est pas dans ses intentions de tenter quoi que ce soit. Le comte de Chambord (qui, dépité d’un tel manque de courage, s’écrie : « Je croyais avoir affaire à un Connétable, je n’ai trouvé qu’un capitaine de gendarmerie ! ».), refusant de se déplacer lui-même pour ne pas s’exposer à un refus qui serait un point de non-retour, reste cloîtré dans la maison versaillaise prêtée par Vanssay. Il y demeure une dizaine de jours, assistant quotidiennement à la Messe du père Marcel, un capucin qui vient sur place pour la célébrer. C’est là qu’il apprend, le 20 novembre 1873, que les députés viennent de voter le septennat, avec soixante-huit voix de majorité. Mac-Mahon a réussi son coup : il devient donc président pour sept ans. Prétextant un soi-disant refus du comte de Chambord, il a présenté le septennat comme la solution-miracle permettant d’attendre le décès de ce dernier pour couronner son cousin le comte de Paris. Ce vote est d’autant plus regrettable que plusieurs députés royalistes déclareront plus tard que leur suffrage aurait été tout autre s’ils avaient su la présence et les intentions de Monseigneur. En outre, on sait bien, hélas, ce que vaudra cette solution pour une hypothétique restauration : à la mort du comte de Chambord, la république a tout fait pour s’installer durablement : les groupes parlementaires sont cassés, l’emprise de l’Etat sur l’école commence à se faire sentir dans les mentalités, et l’anticléricalisme devient la nouvelle religion d’Etat.
On peut donc dire que c’est ce 20 novembre 1873 que le comte de Chambord quitte définitivement la scène politique : ne voulant pas devenir le jeu d’un parti, il préfère l’exil, et quitte cette maison de Versailles pour reprendre la route de Froshdorf. La fourberie des uns et la faiblesse des autres ont eu raison de cette restauration dont le bénéfice aurait été évident pour cette France en plein désarroi, et ce sont les Français qui ne cessent depuis de payer cette erreur de l’Histoire.